De l’essai politique Ă la BD en passant par le recueil d'(ana)chroniques, Marie-Charlotte et Christine vous prĂ©sentent des sorties rĂ©centes de livres qui parlent d’agriculture chacun Ă leur maniĂšre.
La lune, les laitues et moi
de ClĂ©ment Lechartier, Ă©dition La Buse du TĂŽt, 2021, 13âŹ
La figure du paysan
La ferme, l’AMAP et la politique
de Romuald Botte & Bruno Villallba, Ă©dition Le Bord De l’eau, 20âŹ
Celle qui nous colle aux bottes
de Marine de Franqueville, Ă©dition Rue de lâĂ©chiquier BD, 2021, 21.90âŹ
La lune, les laitues et moi de ClĂ©ment Lechartier, Ă©dition La Buse du TĂŽt, 2021, 13âŹ
Dans cette premiĂšre publication, sous-titrĂ©e « anachroniques dâun maraĂźcher », ClĂ©ment a rassemblĂ© trois ans de textes Ă©crits pour la feuille de chou dâune AMAP du Havre. Ses textes, empreints dâhumour, tĂ©moignent de la passion de ClĂ©ment pour son mĂ©tier, pour la terre, mais aussi pour lâĂ©criture. Il lâutilise pour se questionner sur ses pratiques, pour transmettre son savoir(-faire), mais aussi pour sublimer le monde dans une dĂ©marche poĂ©tique.
Jâai eu la chance de rencontrer ClĂ©ment Ă Marseille, lors de la cĂ©lĂ©bration des 20 ans des AMAP. Avec son air rĂȘveur et son sourire franc, il a enchantĂ© la salle en lisant quelques chroniques, se rĂ©vĂ©lant lors de cet exercice qui nâa pas manquĂ© de toucher son auditoire.
A mon retour, son petit bouquin est allĂ© se poser son mon chevet. Pour moi câest un livre-doudou. Je le feuillette de temps Ă autre, lisant voire relisant certaines chroniques, quand le vague Ă lâĂąme mâenvahit. Je ne pense pas les avoir toute lues, mais ce qui est sĂ»re câest que jâen ai lu certaines plusieurs fois. Et Ă chaque fois, la simplicitĂ© des thĂ©matiques abordĂ©es, la familiaritĂ© des images, les sons des mots qui sâenchainent, me laisse une nostalgie trĂšs agrĂ©able et rassurante.
Jâai contactĂ© ClĂ©ment pour la rĂ©daction de cet article et je lui ai posĂ© quelques questions afin de comprendre sa dĂ©marche crĂ©atrice.
Jâai vu sur la 4e de couverture de ton livre que tu avais pratiquĂ© le slam pendant un moment, peux-tu me parler de ton rapport Ă lâĂ©criture en gĂ©nĂ©ral ?
Ăcrire, ça mâa toujours titillĂ©, depuis lâĂ©cole. Un crayon, une feuille, et hop. Je tourne les idĂ©es dans ma tĂȘte, et au bout dâun moment il faut que ça sorte. Le slam, câĂ©tait bien, une forme dâĂ©criture pas trop longue ou trop compliquĂ©e, en 1h tu Ă©cris un truc et tu montes sur scĂšne le soir pour le lire. Ăa me plaisait aussi dâĂ©couter les autres, je suis attentif au lien entre les mots et les sons. Quand je lis, en gĂ©nĂ©ral, je suis attentif au style de lâĂ©crivain.
Alors lâidĂ©e dâĂ©crire pour la feuille de chou sâest imposĂ©e assez naturellement ?
Pas forcĂ©ment. Au dĂ©but je nâai pas rĂ©agi Ă lâappel des amapiens, je nâavais pas le temps dây penser. Et puis finalement jâai proposĂ© de prendre le relais. Ce qui est bien câest quâon ce sont des anachroniques, ce qui signifie que rien ne mâoblige Ă la rĂ©gularitĂ©. Câest plutĂŽt en fonction de mon temps disponible, et des sujets que lâon me propose ou qui me viennent en tĂȘte.
Quelles sont les conditions dâĂ©criture de ces anachroniques ?
Les idĂ©es tournent dans ma tĂȘte jusquâau moment oĂč elles ne demandent quâĂ sortir. Et lĂ je ne lĂąche plus le stylo, jusquâĂ ce que ça soit fini. Parfois ce que jâĂ©cris est poĂ©tiques, parfois câest plus « scolaire » car ça correspond Ă une question quâon mâa posĂ©. JâĂ©cris la nuit, quand jâai une insomnie. Je sors de mon lit pour mâasseoir Ă la table de salle Ă manger. Il y a aussi le mercredi aprĂšs-midi, jâai 1h dâattente pendant une activitĂ© de mon fils. Parfois jâĂ©cris deux textes en une journĂ©e, ou parfois rien du tout pendant plus dâun mois.
Est-ce que tu conseillerais Ă dâautres maraĂźchers de sâemparer de lâĂ©criture ?
Oui. Ce qui est important dans lâAMAP câest le rĂŽle « Ă©ducatif » du maraĂźcher, il est lĂ pour parler de son mĂ©tier, pour dĂ©construire les idĂ©es reçues des amapiens, pour conscientiser. Je me suis rendu compte quâen fait pas mal de maraĂźchers Ă©crivaient « en cachette », sans faire lire ce quâils produisaient. Si on nâest pas Ă lâaise avec lâĂ©criture, on peut rĂ©aliser des petites interviews de son producteur. Ce qui compte câest de transmettre. La difficultĂ© câest que la feuille de chou sâĂ©puise vite, une fois quâon a parlĂ© du compost, des semencesâŠalors il faut trouver dâautres formes, plus poĂ©tiques ou plus humoristiques, afin de crĂ©er une certaine attente chez le lecteur.
Pourquoi avoir publié tes textes ?
Dans cette AMAP, il a plusieurs adhĂ©rents qui sont conteurs, alors ils sont attentifs Ă ce que je produis. Une fois, Ă une AG rĂ©gionale au Havre des amapiens ont proposĂ© de lire quelques-uns de mes textes, et les gens ont beaucoup aimĂ©. On mâa dit « faut publier ! ». JâĂ©tais pas vraiment contre, mais je nâavais pas assez de matiĂšre. Quand jâai eu 40 textes dont jâĂ©tais satisfait, je leur ai dit « si vous ĂȘtes toujours partants, on y va ».
Tu nâavais pas dâapprĂ©hension ?
Non pas vraiment, car mes textes avaient circulé hors AMAP déjà , et les retours étaient toujours trÚs positifs.
Et la suite câest quoi ? Un tome 2 ? Dâautres formes dâĂ©criture ?
Pourquoi pas une suite oui, jâattends dâavoir 40-50 textes pour lâenvisager Ă nouveau. Pour le reste, jâai commencĂ© Ă recueillir des tĂ©moignages sur des mĂ©tiers qui ont complĂštement disparu. Je fais des interviews, que je retranscris Ă lâĂ©crit, je fouille, je collecte. Je ne sais pas encore ce que je vais en faire, mais câest un sujet qui mâintĂ©resse beaucoup.
ClĂ©ment se propose de nous lire des extraits de son livre lors de notre AG rĂ©gionale, vous aurez donc lâoccasion dâentendre ses textes !
Propos recueillis par Marie-Charlotte Lento, amapienne Ă Angres (62)
La figure du paysan – La ferme, l’AMAP et la politique de Romuald Botte & Bruno Villallba, Ă©dition Le Bord De l’eau, 20âŹ
Romuald est un paysan autodidacte. Il crĂ©e lâAMAP des Weppes en 2007, la premiĂšre AMAP des Hauts-de-France. Bruno Villalbe est professeur de science politique Ă AgroParisTech.
Entre document et rĂ©cit, ce livre Ă©crit Ă 4 mains retrace lâinstallation de Romuald, ses questionnements, ses Ă©volutions, sa trajectoire, son lien avec lâAMAP. On dĂ©couvre Romuald, maraĂźcher, Ă©leveur de poules, Ă©lectricien, maçon, ferronnier, plombier, paysagiste⊠Il imagine, invente et façonne son espace. On dĂ©couvre aussi la vie dâune ferme, vivante, Ă©volutive, support dâun projet politique Ă construire ensemble, oĂč les questions Ă©cologiques sont constamment mobilisĂ©es : le rapport Ă lâoutil, lâĂ©nergie, lâeau, la prĂ©servation de la biodiversitĂ©, la place de chacunâŠ
On voit mieux la maniĂšre dont chacun des gestes dâun paysan est une rĂ©ponse politique aux crises Ă©cologiques et sociales auxquelles nous devons faire face, pour une refondation des façons de produire et de consommer.
Romuald explique aussi les liens quâil a tissĂ©s avec diffĂ©rentes organisations professionnelles, ce qui permet de mieux les connaĂźtre et de comprendre leurs rĂŽles.
Amapienne, ce livre mâa offert de nombreux questionnements et des rĂ©ponses sur la rĂ©alitĂ© de notre AMAP Ă Creil, en particulier sur le lien que lâon devrait pouvoir maintenir et accentuer avec nos paysans locaux.
Christine, amapienne Ă Creil (60)
Celle qui nous colle aux bottes de Marine de Franqueville, Ă©dition Rue de lâĂ©chiquier BD, 2021, 21.90âŹ
Marine de Franqueville est une jeune illustratrice, dont ce roman graphique est la premiĂšre publication.
Câest une histoire familiale, autobiographique, dâune jeune autrice de BD qui tente de pousser son pĂšre agriculteur Ă de meilleures pratiques voire Ă passer au bio. Leurs Ă©changes sont au centre de lâhistoire : le patrimoine de son pĂšre, hĂ©ritĂ© des techniques agricoles des trente glorieuses, les recherches de la jeune fille pour comprendre lâimpact de lâagriculture sur la planĂšte, et surtout la confrontation de leurs points de vue. Câest un livre qui raconte le choc des gĂ©nĂ©rations, entre lâagriculteur qui tente dâassurer la survie de sa famille, et lâĂ©tudiante idĂ©aliste qui cherche Ă concilier ses grandes idĂ©es avec lâamour quâelle porte Ă son pĂšre.
Ce livre est arrivĂ© entre mes mains car deux paysan·nes de notre rĂ©seau figurent dans le livre. Jâai aimĂ© la façon dont lâautrice nuance lâimage souvent caricaturale de lâagriculteur responsable de la destruction des Ă©cosystĂšmes, mais aussi celle que lâon peut se faire sur la facilitĂ© de changer sa façon de travailler, comme s’il suffisait de presser quelques boutons pour passer en bio.
Une petite dĂ©ception cependant sur le format noir et blanc. La dessinatrice nous immerge dans les paysages ruraux de notre rĂ©gion mais sans aucune couleur, câest dommage.
Marie-Charlotte, amapienne Ă Angres (62)